lundi 3 juillet 2017

Un vitrail armorié

Un des vitraux armoriés de l’Hôtel de Ville de Binche.




Dans la salle des mariages figure le blason sous lequel est inscrit le nom d’Aumale. (Voir photo du vitrail ci-contre) Théophile Lejeune dans son étude sur Binche [1] écrit : « Messire Charles de
Lorraine, duc d'Aumale, pair de France comte de Maulenrier et de Valier, grand fauconnier des archiducs Albert et Isabelle. fut nommé gouverneur  prévôt et bailli des bois de la terre et seigneurie de Binche, Heigne et Jumet. par lettres-patentes du 2 octobre 1611 ». Le titre de comte d'Aumale a été porté par des membres de diverses familles.à savoir, Blois, Dommartin, Castille, Harcourt, Lorraine (diverses branches). En 1547 Henri II érige le comté en duché-pairie au profit de la maison de Lorraine en la personne de Claude II. (voir arbre généalogique succint ci-dessous).

La puissante maison de Lorraine se voit comblée aussi par le roi Henri III qui a épousé une fille d'une branche cadette Lorraine-Vaudémont et qui accorde en 1578 l'Ordre du Saint-Esprit à trois membres de la famille dès la première promotion. Plusieures choses vont déteriorer l'entente, la conception de la lutte contre les Huguenots, la Sainte  Ligue et l'influence espagnole et la succession de Hanri III (qui n'a pas d'héritier).  Le roi se voit contrant de s'allier au roi de Navarre pour contrer la Maison de Lorraine. Le Balafré le chef de la Ligue est  assassiné sur ordre du roi. A la mort de son cousin, Charles de Lorraine duc d'Aumale entre en conflit ouvert avec le roi. Il sera fait prisonnier à la bataille d’Ivry, libéré  il refuse de se soumettre et continue la lutte. Il sera condamné   pour crime de lèse-majesté et ses biens saisis le 6 juillet 1595.
Il vient chercher refuge aux Pays-Bas où les archiducs l'accueillent et lui accordent leurs faveurs. (voir ci dessus). Ce n'était certes pas un inconnu pour eux, puisque à l’instar des personnages importants de la Ligue il était soutenu financièrement par Philippe II d'Espagne  Il obtiendra une charge dans l'armée et représentera les archiducs dans certaines occasions. Léopold Devillers cite dans son ouvrage [2].
« Après cinquante années d'interruption, la construction de la tour fut reprise.[3] Le 29 mai 1619 le duc d'Aumale posa, aux noms des archiducs Albert et Isabelle la première pierre des nouveaux ouvrages, aux armes de LL. AA, après qu'elle eut été bénite par l'Abbé du Val des Écoliers, officiant pontificalement, en présence  des chanoinesses et du clergé. »
Le blason figurant sur le vitrail ne nous semble pas correct. En effet aux quartiers II et III on voit « d'azur à  trois fleurs de lis d'or ».qui sont les armes des rois de France. Le duc d'Aumale[4] descend bien de Louis IX  par sa Grand-Mère Antoinette de Bourbon-Vendôme, mais  ce n'est pas une filiation directe. Les armes de France doivent donc être brisées. Elles le sont dans cette maison par un bâton alésé ou encore péri. C'est donc ce détail, mais qui a son importance, qui manque ici.
Dans les quartiers I et IV , nous voyons «  d'or à la bande de gueules chargée de trois alérions d'argent », il s'agit des armoiries de la Lorraine, mais la Maison de Lorraine entendait montrer plus que cela , montrer tout ce que les membres avaient pu porter comme titres réels ou de prétention. Le blason de la famille de Lorraine, bien connu des héraldistes est décrit comme ceci , coupé de un parti de trois ce qui signifie que l'on trouvera huit blasons différents. On le connait aussi sous  l’appellation quatre rois sur quatre ducs. Dans la partie supérieure les quatre royaumes pour les quels la famille aurait eu des droits ou des prétentions. Pour la compréhension regardons le petit dessin ci contre en 1 la Hongrie « fascé de gueules et d’argent de huit pièces »  en 2 « d’azur semé de fleurs de lis d’or au lambel de gueules » (Naples-Sicile), en 3 « d’argent à la croix potencée et alésée d’or, cantonnée de quatre croisettes du même » (Jérusalem) et en 4 « d’or à quatre pals de gueules » (Aragon) .A la partie inférieure, en 5 « d’azur semé de fleurs de lis d’or à la bordure de gueules » (Anjou) en 6 « d’azur au lion contourné et couronné d’or, armé et lampassé de gueules » (Gueldre), en 7 « d’or au lion de sable armé et lampassé de gueules couronné d’or » (Juliers), en 8 « d’azur semé de croisettes recroisettées au pied fiché d’or, à deux bars adossés du même brochant sur le tout » (Bar). Quelques éclaircissements sur cette profusion de pocessions, revendications, prétentions. En  1420, Isabelle de Lorraine, la fille du dernier duc de la maison d'Alsace, épouse un prince capétien de la maison de Valois-Anjou, René Ier d'Anjou. (Il s'agit de la deuxième maison d'Anjou). Ce dernier est aussi l'héritier désigné du duc de Bar. En 1435, c'est la reine Jeanne II de Naples, qui meurt, après l'avoir désigné pour lui succéder. Jeanne est une descendante de Charles d'Anjou, frère de Louis IX et fait donc partie de la première maison d'Anjou. René devient alors roi de Naples, et reprend à son compte les prétentions sur les royaumes de Hongrie et de Jérusalem[5]. Ses armes en sont modifiées et présentent en chef les trois royaumes (Hongrie, Naples et Jérusalem) et en pointe les trois duchés (Anjou, Bar et Lorraine). En 1443, c'est sa mère Yolande d'Aragon qui meurt. Elle prétendait au trône d'Aragon, étant fille unique de Jean Ier d'Aragon, bien que les nobles aragonnais aient donné la couronne à un fils cadet du roi de Castille. René Ier reprit à son compte cette prétention, en posant les armes d'Aragon sur ses armoiries. Voilà donc le quatre royaumes.
En 1473, la Lorraine passe à René II, petit fils de René Ier. Louis XI s'empare du duché d'Anjou et du comté de Provence. Mais René II reprend à son compte les prétentions de son grand-père et conserve le titre de duc d'Anjou. Il épouse Philippa de Gueldre, dont le frère, Charles, duc de Gueldre et de Juliers, meurt en 1538  sans descendants. Charles-Quint s'empare de ces duchés, mais le duc Antoine, fils de René II et de Philippa de Gueldre, prétendra à ces deux duchés et ajoutera leurs armes aux siennes. Cela donnera l'écu aux quatre royaumes (Hongrie, Naples, Jérusalem et Aragon) et aux quatre duchés (Anjou, Gueldre, Juliers et Bar) avec la Lorraine en  cœur, un écusson « d’or à la bande de gueules chargée de trois alérions d’argent »  Pour le duc d'Aumale qui fait partie d'une branche cadette de la maison de Lorraine, une brisure doit figurer sur le blason, il s'agit d'un lambel à trois pendants de gueules posé en chef.
Voici donc ci-dessous le blason qui normalement devrait figurer sur le vitrail.                                                                                        


                                                                                 
                                                                            






[1]             Histoire de la ville de Binche Imp. V.Winance-Nachtergaele, éditeur, Binche 1887 
[2]            
Annales de la construction de l'Eglise de Sainte-Waudru à Mons par Léopold Devillers, Conservateur-adjoint des Archives de l'Etat, en cette ville; Membre des Sociétés savantes d'Anvers, Avesnes, Gand, Liége, Luxembourg, Mons, Tongres et Tournay . Extrait du Compte-rendu des séances du Congrès Artistique et Archéologique tenu à Gand, lors du cinquantième anniversaire de la fondation de la Société royale des Beaux-Arts et de littérature de cette ville, les 19 et 20 septembre 1858
                Imprimerie et lithographie de De Busscher Frères à Gand, 1859

[3]             Il s'agit de la tour de la Collégiale Ste Waudru.
[4]             On continua à lui donner ce nom et ce titre bien que ses biens furent saisis.
[5]             On comprendra que le titre  de roi de Jérusalem est purement honnorifique.Le royaume de Jérusalem fut créé en 1099 après la prise de la ville, et ne disparut réellement qu'avec le départ des derniers croisés de Tortose en août 1291.
                Jérusalem tombe aux mains de Saladin le 2 octobre 1187. Le nom de royaume de Jérusalem restera l'appellation officielle du royaume croisé de Terre Sainte, que le titulaire règne ou pas sur la ville sainte. 

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire