mercredi 19 juillet 2017

Le chevron.

Le chevron


Le chevron est une pièce honorable très fréquente en héraldique .






On lit "d'azur au chevron d'or",

Le  chevron doit-il toucher le bord supérieur de l'écu ? 



Pour répondre consultons des armoriaux , Bellenville , Gueldre (Gelre) et l'armorial équestre de la toison d'or .

Bellenville recueil d'armoiries médiévales compilé vers la fin du XIV e siècle.


Folio 36 Il y a trois chevrons 


 gistel 


dans le document original, il s'agit des armoiries de Jean VI de Ghistelles  ruwaert de Flandre (1346-1405)

 "de gueules au chevron d'hermine "

axel (aksel) 

La seigneurie d'Axel entre dans la famille de Masmines en 1338 suite au mariage de Marguerite d'Axel avec Gérard de Rasseghem , seigneur de Masmines.



" d'or au chevron de gueules" 

scoors

Arnould de Gavre , seigneur d'Escornaix (1316-1387)

"d'or au chevron de gueules, au trêcheur fleuronné et contre-fleuronné de sinople"  


Gelre L'Armorial universel du héraut Claes Heinen dit "Gelre", roi d'armes des Ruyers a été réalisé autour de 1370-1395. 












Folio 80 il y a deux chevrons.


Die  Hue v. Gistele
Jean VI de Ghistelles  ruwaert de Flandre (1346-1405)


" de gueules au chevron d'hermine" 


Die He van Axele 

Philippe I d'Axel


" d'or au chevron de gueules" 


Le Grand Armorial équestre de la Toison d'or est un manuscrit enluminé contenant un armorial représentant les membres de ordre de la Toison d'or entre 1429 et 1461


folio 71 verso  trois chevrons

Monseigneur de Praet
Jean de Flandre seigneur de Praet et de Woestyne, fils de Louis et de Marie de Ghistelles ( bâtard de Louis de Male) (+ 1450)

"de gueules au chevron d'hermine accompagné en chef à senestre d'un écusson burelé d'argent et d'azur au lion de gueules brochant (Luxembourg) , au franc quartier d'or au lion de sable lampassé de gueules  brochant sur le tout."

Messire de Grachat 
Olivier van der Gracht, chevalier, fils de Wautier II seigneur de de Gracht et de Moorsele (1370-1418)


"d'argent au chevron de gueules accompagné de trois merlettes de sable "


messire ghy de gistelle 

Guy de Ghistelles dit le vVieux, seigneur de Wasquehal, fils de Gérard  grand bailli de Termonde (+> 1461)



"de gueules au chevron d'hermine"

Nous voyons que dans ces armoriaux le chevron touche le bord de l'écu.
Pourtant dans bien des cas  le chevron ne touche pas le sommet de l'écu on devrait normalement le mentionner et dire "chevron abaissé" mais on s'en abstient le plus souvent.
Dans une définition du chevron  Pastoureau laisse entendre qu'il en est bien ainsi ordinairement 
" pièce ayant la forme d'un chevron et dont la pointe est ordinairement dirigée vers le milieu du chef ( pièce délimitée par un trait horizontal et qui occupe la partie supérieure de l'écu) "




Le chevron peut se présenter en nombre comme dans les premières armoiries des comtes de Hainaut : 



"d'or à tris chevrons de sable"







Le chevronné : référons nous à l'ouvrage du Père Ménétrier dans son ouvrage " Nouvelle méthode raisonnée du blason ou de l'art héraldique  leçon VI "

Lorsque l'écu se trouve couvert de chevrons en nombre égal, c'est à dire autant d'émail que  d'un autre, de telle manière que l'on ne puisse dire que tel émail est le fond ou le champ on doit dire chevronné de  tant de pièces , de tel émail . 
Ou encore :  " lorsque l'écu est couvert d'un nombre pair de surfaces colorées,(d'un ou deux tenants), on doit dire chevronné."

Un bel exemple de chevronné; les armoiries de la famille d'Egmont.





On lit : "chevronné de douze pièces d'or et de gueules"




mercredi 5 juillet 2017

Un autre Boussart dans la Grande Armée

Félix Boussart frère cadet de André Joseph.

Si vous êtes un peu curieux et vous allez voir le revers du monument consacré à André Joseph Boussart dans le parc de Binche vous y trouverez  ceci :
Moins célèbre que son frère aîné, Félix n'a droit qu'à un petit alinéa dans le biographie de son frère due à la plume du Général Guillaume.
" [...] Son frère, le chevalier Félix Boussart, né à Binche le 1er mars 1771, officier de l’ordre de la Légion d’honneur, etc., était aussi un vaillant militaire, digne de la forte race dont il descendait. A l’âge de quarante et un ans il était colonel de gendarmerie après s’être distingué en Allemagne, en Italie et en Égypte où, après une action d’éclat, il reçut, sur le champ de bataille même, un sabre d’honneur des mains du général en chef. Fait prisonnier de guerre après la capitulation de Dresde, Félix Boussart mourut à Pesth (Hongrie), le 28 janvier 1814."
Trois ans après son frère, Félix eut aussi droit aux honneurs de l'Empire. Voici ce que nous pouvons lire dans l'Armorial de la Noblesse belge. 


Les tuileries (Paris) 19 janvier 1812. L'empereur Napoléon 1er. Concession du titre de chevalier de l'Empire , transmissible par ordre de primogéniture , accompagnée de l'octroi d'une livrée aux couleurs de l'écu, pour Félix Boussart , major de gendarmerie, membre de la légion d'honneur. Armes :" d'or au pin   terrassé de sinople, sur lequel broche un lion rampant de gueules , tenant dans sa dextre une épée haute et de la senestre un étendant turc en barre , le tout de sable, accompagné en chef de deux croissants de gueules , bordure du tiers de l'écu de gueules, chargée du signe des chevaliers légionnaires posé au premier point en chef" 
La bordure de gueules chargée du signe des légionnaires est la marque des chevaliers voulue par l'héraldique napoléonienne. La liberté est laissée au légionnaire du choix de la pièces honorable.
Félix Boussart aura choisi la bordure.


Illustration tirée du site de Arnaud Bunel 
http://www.heraldique-europeenne.org/Didactitiel/Napoleon/

Un brave de la Grande Armée

Le Général Boussart  et l'héraldique impériale. 


BOUSSART (André, baron), homme de guerre né à Binche le 13 novembre 1758, mort à Bagnères le 10 août 1813. Il était issu d’une famille ancienne dans la carrière des armes : son père, officier au régiment de Cornabé, sous la république batave, s’était vaillamment battu à Fontenoy. Son oncle, Roger Boussart, était capitaine dans la garde noble de Marie-Thérèse. André Boussart entra au service dès l’âge de dix-huit ans dans le régiment de Vierset, en qualité de cadet et obtint, peu de temps après, en récom- pense d’une action d’éclat, le brevet de lieutenant porte-enseigne [...]
Quelques années  plus tard, auprès de Sagonte, il dispersa le corps anglais du général Blake. Boussart, qui avait été fait baron de l’empire, obtint enfin le grade de général de division (15 mars 1812), mais les vingt-trois blessures dont il portait les cicatrices avaient miné sa constitution; il fut obligé de quitter l’armée pour aller à Bagnères où il mourut, laissant une grande réputation de bravoure et d’intrépidité, attestée par tous les historiens de l’empire. Boussart avait eu douze chevaux tués sous lui! Biographie nationale de Belgique‎ | Tome 2 Général Guillaume


Un monument érigé dans le parc de la ville, commémore le parcourt tumultueux de cet enfant du pays.

Nous pouvons lire dans l'armorial de la noblesse belge : 
Paris ,10 février 1809 l'Empereur Napoléon Ier. Concession du titre personnel de baron de l'Empire accompagnée de l'octroi d'une livrée aux couleurs de l'écu pour André Joseph Boussart, général de brigade. Armes : "d'azur  au chevron d'argent accompagné en chef à dextre d'une tête de cheval d'argent  bridée de sable, et en pointe d'un palmier d'or terrassé du même et  fruité d'argent, quartier des barons tirés de l'armée."

Deux meubles, la tête de cheval et le palmier rappellent  les exploits du général, cavalier intrépide ayant participé à la campagne d'Egypte. 
Le quartier  en chef à senestre (c'est d'ailleurs plus exactement un canton) est une particularité de l’héraldique napoléonienne. 

Le site d'Arnaud Bunel 
http://www.heraldique-europeenne.org/Didactitiel/Napoleon/
est une mine inépuisable d'informations héraldiques.
Nous en extrayons quelques-unes sur le système héraldique napoléonien.







lundi 3 juillet 2017

La pierre armoriée d'un abbé de Bonne-Espérance


Pierre armoriée d'un abbé de l'Abbaye de
 Bonne Espérance


En venant de la Chapelle Sainte Anne en allant vers Binche, si vous tournez à gauche à la placette du" Paysan" et que vous faites quelques pas dans la rue de Pastures vous voyez à votre gauche une assez vaste demeure qui fut un temps occupée par un antiquaire. L'inscription au "Vieux Binche" en témoigne
. Le patrimoine monumental de la Wallonie en fait la description suivante. "Sur un soubassement en moellons  de grès de Bray à assises réglées, une belle habitation basse de style tournaisien du XVIIIe siècle en briques prolongée à droite par un corps de dépendance .... Travée gauche ouverte d'une vaste porte charretière en anse de panier. Au dessus, cartouche de pierre armoriée et lucarne passante à croupe de tuiles". Cette pierre interpellait déjà Paul Clovis Meurice[1] archiviste de la ville de Binche dans les années 1920 et à plus d'un titre. D'abord elle était scellée retournée, le bas vers le haut comme le montre une photo d'époque. Voici le dessin qu'il en faisait dans son article.

Qui avait bien pu commettre une telle erreur ? Ensuite que représentait cette pierre armoriée ?  On y distinguait  facilement trois poires et surmontant l'écu une crosse, le crosseron tourné à dextre, un sudarium (panniculus ou pannisellus) accroché  au bouton de la crosse et pendant à senestre. La présence de la crosse laissait croire qu'il s'agissait des armoiries d'un abbé.
La présence de cette pierre armoriée à proximité de la chapelle Sainte Anne laissait  croire qu'elle représentait les armoiries d'un autre Abbé de l'Abbaye de Marchiennes sur la Scarpe. La chapelle porte un écu aux armes de l'Abbaye et de Jean de Jonquois. L'hypothèse de Paul Clovis  Meurice, qu'il exprimait dans les annales de la Société d'Archéologie de Binche en 1920, est erronée.
Aucun abbé de l'Abbaye de Marchiennes ne porte trois poires dans ses armoiries. C'est ce que j'ai pu vérifier en visitant le musée de l'Abbaye et en consultant  l'ouvrage de Léon Spriet[2] qui reprend les armoiries des abbés depuis le trente-deuxième Abbé Gui II (1348-1366) jusqu'au cinquante-sixième et  dernier Alexis Lallart (1782-1790).
Un collègue de la SAAMB me signale un jour que le blason de la rue des Pastures ressemble à celui que l'on peut voir aux "caves Bette" sur le linteau de la cheminée de la salle du haut accessible par le parc.
Je constatai que c'était une parfaite identité. Exécuté dans une pierre de nature différente, de couleur jaunâtre,  il avait moins bien résisté aux injures du temps.


Les "caves Bette" étant comme on sait l'avatar du refuge de l'Abbaye de Bonne Espérance, tout portait à croire qu'il s'agissait d'armoiries d'un abbé de cette Abbaye.

Il est fréquent que lorsqu'une Abbaye construit ou restaure un édifice, on y fasse figurer les  armoiries de l'Abbaye accompagnées de celles personnelles de l'abbé en poste. Ici, par contre nous ne voyons pas les quatre étoiles caractéristiques l'Abbaye de Bonne Espérance.       
Nous avions donc, pour vérifier cette hypothèse, à trouver à quel abbé appartenaient des armoiries dont la description est : "De… à trois poires de…, celle du canton dextre du chef le pédoncule tournée à dextre".
Il y a eu 46 abbés à Bonne Espérance. Nous pourrions rechercher les armoiries de tous ces abbés.
Nous pouvons toutefois, en se référant à ce que relate Didier Dehon[3], n'envisager qu'un certain nombre de ces abbés : "En 1380 le bâtiment fut acquis par les religieux de l'Abbaye de Bonne Espérance qui le transforment en refuge ....Ce refuge sera reconstruit au début du XVIe siècle. En 1674, il n'est plus utile pour la congrégation..."
Entre ces deux dates nous ne comptons plus que 15 abbés.
Jean Sortes dont l'abbatiat s'étend de 1363 à 1394 est celui qui a acquis le bien et peut-être apporté les transformations. 
C'est sous l'abbatiat de Englebert Maghe (1671-1708) que les religieux cèdent ce qui "n'est plus qu'une ruine." Nous pouvons logiquement ne pas inclure Englebert Maghe de notre liste.






Il nous reste donc 12 abbés susceptibles d'être celui que nous cherchons.
Voici la liste de ces 12 abbés. La liste complète des 46 abbés nous a été communiquée par Monsieur Maurice Servais. Cette liste a été compilée par lui sur base des documents suivants :
·  Engelbert MAGHE, Chronicum ecclesiae beatae Mariae Virginis Bonae-Spei ..., Bonne-Espérance, 1704.
·  Dom Ursmer BERLIÈRE, Monasticon belge, t. I (Provinces de Namur et de Hainaut), Maredsous, 1890-1897, p. 392-409.
·  Norbert BACKMUND, Monasticon praemonstratense, t. II, Straubing, 1952, p. 361-364.
Jean  Sortes  (avant 1365 – 1394) Excellent musicien, il modifia le chant à Bonne-Espérance.
Pierre de Malonne  (1394 – 1421) Il s'occupa de restaurer les bâtiments de l'Abbaye et de ses dépendances. Lors de la peste de 1398, il contribua largement par ses aumônes à soulager  les malheureux. Il semble qu'à cette époque la vie commune n'est plus observée dans toute sa rigueur.
Gilles Macquet (1421 – 1444) Originaire de Binche, il est licencié en théologie de la faculté de Paris.
Guillaume Jeheniel (1444 –1460)
Pierre des Fossés  (1460 – 1473) Il reçut un don de 3.700 couronnes d'or de Louis XI, en reconnaissance d'une promesse faite par ce prince à N.-D. de Bonne-Espérance qui l'avait préservé d'un danger. L'Abbé dut se déplacer jusqu'à Paris pour rappeler à Louis XI sa promesse.
Antoine de Merdop (1473 – 1495) C'est probablement lui qui fit élever la tour actuelle; il reconstruisit le quartier abbatial.
Nicolas de Merdop (1495 – 1510) Neveu du précédent. Il aliéna un bien au profit de son frère, ce qui provoqua une protestation des religieux auprès du général de l'Ordre. Il travailla cependant à éteindre les dettes de l'Abbaye.
Jean Cornu (1510 – 1537) Originaire d'Haulchin, il fut élu par 28 chanoines (15 conventuels et 13 curés). Il fit rebâtir le cloître et le réfectoire, il créa une bibliothèque.
Jean Deppe 1537 – 1555 Le monastère fut pillé deux fois par les Français en raison des guerres entre Charles-Quint et le royaume de France. Il réédifia en partie le refuge de Mons.
Pierre Desperies (1555 – 1559) Il restaura la ferme de Courrières et une partie du refuge de Mons.
Jean Trusse (1559 – 1580) Originaire de Chaumont-Gistoux. En 1568 le monastère fut envahi par les troupes du prince d'Orange qui le pillèrent et l'incendièrent. L'année suivante l'Abbé commença à restaurer les bâtiments abbatiaux. En 1572 les troupes de Louis de Nassau pillèrent le refuge de Mons et enlevèrent quantité d'objets d'art. Dans les conflits qui opposèrent les Etats du Hainaut à Philippe II, Jean Trusse prit le parti du roi, suzerain légitime, et fut exilé. Après avoir payé une rançon de 6.000 florins, il put revenir en 1579, mais se retira au refuge de Mons.
Jean Lucq (1580 – 1607) Originaire de Binche. A deux reprises il eut à payer des rançons pour des religieux faits prisonniers par les "gueux". Il rebâtit une partie du quartier abbatial et commença la restauration de l'église. Il reçut pour lui et ses successeurs le privilège des insignes pontificaux.
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Remarquons encore que dans les courtes biographies ci-dessus l'Abbé Jean Lucq reçut " pour lui et ses successeurs le privilège des insignes pontificaux". Ses armoiries sont donc surmontées de la mitre et de la crosse. Or pas de mitre sur le blason qui est l'objet de notre recherche, ce ne serait donc pas Jean Lucq sauf si la pierre fut posée avant de recevoir le privilège..
Retenons  les abbés qui  restaurèrent ou construisirent. Nous en trouvons encore 7.
Nous pouvons remarquer que jamais le refuge de Binche n'est mentionné dans cette liste !
Intéressons nous à la forme de l'écu, remarquons les trois échancrures arrondies sur le dessus. Il est d'une forme que l'on qualifie d'italianisante apparue au plus tôt à la fin du XVe siècle, ce qui pourrait exclure les premiers abbés de note liste.
Remarquons que Didier Dehon déclare que le refuge fut "reconstruit au début du XVIe siècle".
Si nous prenons cette déclaration au pied de la lettre et en excluant Nicolas de Merdop qui sans doute était trop occupé à éponger les dettes de l'Abbaye, il nous reste, Jean Cornu  (1510 – 1537), Jean Deppe (1537 – 1555), Pierre Desperies (1555 – 1559).


Le moment est peut-être venu d'avouer au lecteur que nous avons depuis le début de la recherche une intuition. Pour l'expliquer, nous devons faire une digression. 
Lorsque un  abbé commence son abbatiat il doit se constituer des armoiries (tout comme les papes, voyez le dernier pape François) soit il prend les armoiries de sa famille et si celle-ci n'en possède pas il doit en " fabriquer".
Que peut-on faire figurer sur son blason, en principe ce que l'on veut. La seule obligation c'est de ne pas utiliser des armoiries existantes. On peut donc utiliser des figures qui font allusion au passé de la personne, de son lieu d'origine et aussi et c'est assez fréquent une allusion à son nom, c'est ce qu'on appelle des armes parlantes.
 Pour bien faire comprendre prenons deux exemples de personnages célèbres. Les superintendants des finances successifs de Louis XIV, Fouquet et Colbert.
Fouquet avait comme armoiries  "d'argent à l'écureuil rampant de gueules " En Normandie, province dont est issue la famille de Fouquet, on appelle dans la langue vernaculaire l'écureuil un fouquet.
Colbert avait comme armoiries "d'or, à une couleuvre ondoyante en pal d'azur " en latin, couleuvre se dit “coluber”.
Pierre des Peries ou Desperies a un nom qui prête à ce genre de construction, peries est proche de poires.
Si notre intuition est exacte le blason serait celui de l'Abbé  Pierre Desperies .
Il ne serait pas le seul à utiliser des poires comme figure de blason. Un Raimondo Perellos y Roccafull, grand maître de l'ordre de Malte, portait " écartelé aux 1 et 4 de gueules à la croix d'argent et aux 2 et 3  d'or à trois poires de sinople". Poire en espagnol se dit pera.
Il nous resterait bien évidement à confirmer cette hypothèse, la meilleure preuve serait de découvrir une pierre tombale ou un sceau.
Nous pourrions pour le moins savoir si des travaux ont été entrepris au refuge de Binche durant son abbatiat.
Encore une fois je fis appel à Monsieur Servais .Voici le message qu'il m'envoyait au mois d’août 2012.

En voyant dans votre message le nom de l’Abbé Pierre Desperies, je suis allé voir ce qu’on disait à son sujet dans E. MAGHE, Chronicum ecclesiae beatae Mariae Virginis Bonae-Spei, 1704.
 À la page 474, j’ai trouvé la phrase suivante, qui pourrait être une piste : “Eodem anno Civitas Binchiensis consideratis gratiis & favoribus a nostris Abbatibus huc usque receptis, concessit nobis ex canali sui fontis aquam ad crassitiem grani tritici ducere ad nostrum refugium, quod tunc erat portae S. Pauli, alias de Selevel vicinum”. 
Voici la traduction que je propose : “La même année [1557], en considération des marques d’amitié et des faveurs reçues jusqu’à présent de la part de nos Abbés, la Ville de Binche nous concéda d’amener de l’eau à partir du conduit de sa fontaine jusqu’à notre refuge, sur une épaisseur d’un grain de blé. À l’époque, le refuge était proche de la porte Saint-Paul, alias de Selevel”.
L’expression “sur une épaisseur d’un grain de blé” pose question ; le texte pourrait peut-être désigner par cette formule les limites du débit ou la quantité d’eau qu’ils pouvaient prélever. 
Bien cordialement.
M Servais
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Des travaux ont donc bien été entrepris sous l'abbatiat de Pierre Desperies. Se limitaient-ils à l'adduction d'eau ?  Étaient-ils assez importants que pour justifier la pose d'une pierre armoriée dans le refuge ?  Pourquoi  la pierre armoriée était elle  scellée au fronton de la porte cochère rue des Pastures ?  Le bâtiment a-t-il été propriété de l'Abbaye ?  La pierre mal placée était de toute vraisemblance un remploi utilisé peut-être lors de la restauration au XVIIIe siècle (voir supra). Autant de questions qui restent en suspens.
Néanmoins les armoiries de l'Abbé Desperies pourraient bien être
" de...à trois poires de... celle du canton dextre du chef le pédoncule tourné à dextre ".  

      Ne connaissant ni émaux ni métaux, j'utilise des pointillés et des dégradés de gris.       
                                          

                                               





[1] Annales de la Société d'Archéologie de Binche année 1920
[2] L'histoire de Marchiennes. Léon Spriet. Monographies des villes et villages de France. 1993, repris de l'édition restaurée de 1898. ISBN 2-87760-423-3. 
[3] Patrimoine de Binche .Carnet du patrimoine p. 41
[4] Ces armoiries nous ont été communiquées par Monsieur Servais.
[5] D'après l'Armorial belge des Bibliophiles Vicomte de Jonghe d'Ardoye, Joseph Havenith, Georges Dansaert tome 1 ed Société des Bibliophiles et Iconophiles de Belgique.

Un vitrail armorié

Un des vitraux armoriés de l’Hôtel de Ville de Binche.




Dans la salle des mariages figure le blason sous lequel est inscrit le nom d’Aumale. (Voir photo du vitrail ci-contre) Théophile Lejeune dans son étude sur Binche [1] écrit : « Messire Charles de
Lorraine, duc d'Aumale, pair de France comte de Maulenrier et de Valier, grand fauconnier des archiducs Albert et Isabelle. fut nommé gouverneur  prévôt et bailli des bois de la terre et seigneurie de Binche, Heigne et Jumet. par lettres-patentes du 2 octobre 1611 ». Le titre de comte d'Aumale a été porté par des membres de diverses familles.à savoir, Blois, Dommartin, Castille, Harcourt, Lorraine (diverses branches). En 1547 Henri II érige le comté en duché-pairie au profit de la maison de Lorraine en la personne de Claude II. (voir arbre généalogique succint ci-dessous).

La puissante maison de Lorraine se voit comblée aussi par le roi Henri III qui a épousé une fille d'une branche cadette Lorraine-Vaudémont et qui accorde en 1578 l'Ordre du Saint-Esprit à trois membres de la famille dès la première promotion. Plusieures choses vont déteriorer l'entente, la conception de la lutte contre les Huguenots, la Sainte  Ligue et l'influence espagnole et la succession de Hanri III (qui n'a pas d'héritier).  Le roi se voit contrant de s'allier au roi de Navarre pour contrer la Maison de Lorraine. Le Balafré le chef de la Ligue est  assassiné sur ordre du roi. A la mort de son cousin, Charles de Lorraine duc d'Aumale entre en conflit ouvert avec le roi. Il sera fait prisonnier à la bataille d’Ivry, libéré  il refuse de se soumettre et continue la lutte. Il sera condamné   pour crime de lèse-majesté et ses biens saisis le 6 juillet 1595.
Il vient chercher refuge aux Pays-Bas où les archiducs l'accueillent et lui accordent leurs faveurs. (voir ci dessus). Ce n'était certes pas un inconnu pour eux, puisque à l’instar des personnages importants de la Ligue il était soutenu financièrement par Philippe II d'Espagne  Il obtiendra une charge dans l'armée et représentera les archiducs dans certaines occasions. Léopold Devillers cite dans son ouvrage [2].
« Après cinquante années d'interruption, la construction de la tour fut reprise.[3] Le 29 mai 1619 le duc d'Aumale posa, aux noms des archiducs Albert et Isabelle la première pierre des nouveaux ouvrages, aux armes de LL. AA, après qu'elle eut été bénite par l'Abbé du Val des Écoliers, officiant pontificalement, en présence  des chanoinesses et du clergé. »
Le blason figurant sur le vitrail ne nous semble pas correct. En effet aux quartiers II et III on voit « d'azur à  trois fleurs de lis d'or ».qui sont les armes des rois de France. Le duc d'Aumale[4] descend bien de Louis IX  par sa Grand-Mère Antoinette de Bourbon-Vendôme, mais  ce n'est pas une filiation directe. Les armes de France doivent donc être brisées. Elles le sont dans cette maison par un bâton alésé ou encore péri. C'est donc ce détail, mais qui a son importance, qui manque ici.
Dans les quartiers I et IV , nous voyons «  d'or à la bande de gueules chargée de trois alérions d'argent », il s'agit des armoiries de la Lorraine, mais la Maison de Lorraine entendait montrer plus que cela , montrer tout ce que les membres avaient pu porter comme titres réels ou de prétention. Le blason de la famille de Lorraine, bien connu des héraldistes est décrit comme ceci , coupé de un parti de trois ce qui signifie que l'on trouvera huit blasons différents. On le connait aussi sous  l’appellation quatre rois sur quatre ducs. Dans la partie supérieure les quatre royaumes pour les quels la famille aurait eu des droits ou des prétentions. Pour la compréhension regardons le petit dessin ci contre en 1 la Hongrie « fascé de gueules et d’argent de huit pièces »  en 2 « d’azur semé de fleurs de lis d’or au lambel de gueules » (Naples-Sicile), en 3 « d’argent à la croix potencée et alésée d’or, cantonnée de quatre croisettes du même » (Jérusalem) et en 4 « d’or à quatre pals de gueules » (Aragon) .A la partie inférieure, en 5 « d’azur semé de fleurs de lis d’or à la bordure de gueules » (Anjou) en 6 « d’azur au lion contourné et couronné d’or, armé et lampassé de gueules » (Gueldre), en 7 « d’or au lion de sable armé et lampassé de gueules couronné d’or » (Juliers), en 8 « d’azur semé de croisettes recroisettées au pied fiché d’or, à deux bars adossés du même brochant sur le tout » (Bar). Quelques éclaircissements sur cette profusion de pocessions, revendications, prétentions. En  1420, Isabelle de Lorraine, la fille du dernier duc de la maison d'Alsace, épouse un prince capétien de la maison de Valois-Anjou, René Ier d'Anjou. (Il s'agit de la deuxième maison d'Anjou). Ce dernier est aussi l'héritier désigné du duc de Bar. En 1435, c'est la reine Jeanne II de Naples, qui meurt, après l'avoir désigné pour lui succéder. Jeanne est une descendante de Charles d'Anjou, frère de Louis IX et fait donc partie de la première maison d'Anjou. René devient alors roi de Naples, et reprend à son compte les prétentions sur les royaumes de Hongrie et de Jérusalem[5]. Ses armes en sont modifiées et présentent en chef les trois royaumes (Hongrie, Naples et Jérusalem) et en pointe les trois duchés (Anjou, Bar et Lorraine). En 1443, c'est sa mère Yolande d'Aragon qui meurt. Elle prétendait au trône d'Aragon, étant fille unique de Jean Ier d'Aragon, bien que les nobles aragonnais aient donné la couronne à un fils cadet du roi de Castille. René Ier reprit à son compte cette prétention, en posant les armes d'Aragon sur ses armoiries. Voilà donc le quatre royaumes.
En 1473, la Lorraine passe à René II, petit fils de René Ier. Louis XI s'empare du duché d'Anjou et du comté de Provence. Mais René II reprend à son compte les prétentions de son grand-père et conserve le titre de duc d'Anjou. Il épouse Philippa de Gueldre, dont le frère, Charles, duc de Gueldre et de Juliers, meurt en 1538  sans descendants. Charles-Quint s'empare de ces duchés, mais le duc Antoine, fils de René II et de Philippa de Gueldre, prétendra à ces deux duchés et ajoutera leurs armes aux siennes. Cela donnera l'écu aux quatre royaumes (Hongrie, Naples, Jérusalem et Aragon) et aux quatre duchés (Anjou, Gueldre, Juliers et Bar) avec la Lorraine en  cœur, un écusson « d’or à la bande de gueules chargée de trois alérions d’argent »  Pour le duc d'Aumale qui fait partie d'une branche cadette de la maison de Lorraine, une brisure doit figurer sur le blason, il s'agit d'un lambel à trois pendants de gueules posé en chef.
Voici donc ci-dessous le blason qui normalement devrait figurer sur le vitrail.                                                                                        


                                                                                 
                                                                            






[1]             Histoire de la ville de Binche Imp. V.Winance-Nachtergaele, éditeur, Binche 1887 
[2]            
Annales de la construction de l'Eglise de Sainte-Waudru à Mons par Léopold Devillers, Conservateur-adjoint des Archives de l'Etat, en cette ville; Membre des Sociétés savantes d'Anvers, Avesnes, Gand, Liége, Luxembourg, Mons, Tongres et Tournay . Extrait du Compte-rendu des séances du Congrès Artistique et Archéologique tenu à Gand, lors du cinquantième anniversaire de la fondation de la Société royale des Beaux-Arts et de littérature de cette ville, les 19 et 20 septembre 1858
                Imprimerie et lithographie de De Busscher Frères à Gand, 1859

[3]             Il s'agit de la tour de la Collégiale Ste Waudru.
[4]             On continua à lui donner ce nom et ce titre bien que ses biens furent saisis.
[5]             On comprendra que le titre  de roi de Jérusalem est purement honnorifique.Le royaume de Jérusalem fut créé en 1099 après la prise de la ville, et ne disparut réellement qu'avec le départ des derniers croisés de Tortose en août 1291.
                Jérusalem tombe aux mains de Saladin le 2 octobre 1187. Le nom de royaume de Jérusalem restera l'appellation officielle du royaume croisé de Terre Sainte, que le titulaire règne ou pas sur la ville sainte.